10 février 2011

SOINS D'URGENCE GERIATRIQUES: RECOMMANDATIONS DE POLITIQUE

INTRODUCTION
Aujourd’hui, les caractéristiques particulières d’une population vieillissante représentent un défi pour bon nombre d’autorités de la santé dans les pays développés occidentaux. Les services hospitaliers des urgences sont devenus un centre majeur de préoccupation du public. L’attention des médias a mis en évidence les retards accusés par les départements d’urgence (DU), ainsi que les longues attentes pour des lits d’hospitalisation et des examens et procédures de diagnostic. Cette situation a soulevé des préoccupations à l’égard de la sécurité des patients, de la rapidité des services des urgences, et de la qualité des soins dispensés dans cet environnement de soins aigus.

Le DU canalise le flux de patients à travers le système hospitalier et constitue un lien important entre l’hospitalisation des patients et la communauté (1). La documentation reconnaît les aînés (2) comme un groupe démographique distinct ayant des besoins insatisfaits multiples (à savoir, médicaux, fonctionnels, cognitifs, et soutien social) nécessitant une réponse interdisciplinaire gériatrique d’urgence coordonnée (3-6). Non seulement cette population exige une approche différente des soins, mais sa vulnérabilité à des résultats cliniques défavorables et à un déclin fonctionnel peut perpétuer une dépendance à l’égard du système de soins de santé (1, 7, 8).

Le premier Congrès International Interdisciplinaire sur les Urgences (CIIU) qui s’est tenu à Montréal en juin 2005 a identifié les caractéristiques particulières qu’une population vieillissante apporte aux services des urgences. A l’occasion de ce congrès, un programme gériatrique spécial a été organisé, rassemblant pour la première fois des chercheurs, des cliniciens, et des administrateurs de différents pays, pour discuter des questions afférentes aux aînés au sein du DU. Ce programme gériatrique comprenait notamment une table ronde publique et une séance de réflexion parrainées par Fraser Health, Colombie-Britannique, Canada (Voir Annexe A). Cette activité a réuni des experts interdisciplinaires spécialisés dans les services d’urgences gériatriques en provenance de plusieurs pays. Cette séance a tenté d’approfondir le travail accompli par la RASP (activité visant à déterminer les priorités derecherche)del’AmericanGeriatricSociety: «NewFrontiersinGeriatricsResearch: An Agenda for Surgical and Related Medical Specialties » (nouvelles frontières dans la recherche gériatrique : les priorités pour les spécialités chirurgicales et médicales apparentées) (9). L’objectif était de développer des recommandations de politique visant à faire progresser la prestation de soins et de services d’urgence auprès des aînés (4). Le présent rapport décrit le processus suivi par les participants pour identifier les catégories de politiques et présente les recommandations découlant de la séance de réflexion. Des données factuelles à l’appui étayent le raisonnement des recommandations.

CONTEXTE DES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE
Les aînés sont des usagers fréquents des services hospitaliers et sont plus susceptibles que les adultes plus jeunes de faire appel à ces services (10). Par exemple, les tendances nationales de 1997/98 ont indiqué que les aînés représentaient 35% des 3 millions de sorties des hôpitaux canadiens et 52% des 21 millions de journées d’hospitalisation, et près d’un tiers de l’ensemble des démarches diagnostiques et actes chirurgicaux primaires exécutés dans les hôpitaux pendant cette période (11).

La demande en services d’urgence est apparentée à des facteurs multiples et concomitants comprenant le vieillissement de la population avec acuité accrue, l’accès limité aux médecins de soins primaires, et le manque d’alternatives communautaires (12, 13). Par rapport aux plus jeunes, les aînés font non seulement plus souvent appel aux services des urgences hospitaliers, mais consomment également davantage de ressources lors d’une consultation, ont une urgence plus grande, séjournent plus longtemps au DU, et sont plus susceptibles de revenir pour une nouvelle consultation (2, 7, 14). Les aînés connaissent également des taux supérieurs de résultats cliniques défavorables après leur sortie de l’hôpital (7) et lorsqu’on leur pose la question les aînés font état de la nécessité de recevoir davantage d’informations et d’une amélioration des communications avec les professionnels des DU (15).

Les données de l’Institut Canadien d’Information sur la Santé (ICIS) révèlent que 18,3% des femmes et 15,1% des hommes ayant fait appel au DU en 2001 avaient plus de 65 ans, ont été classés après triage dans des catégories nécessitant des prestations de soins aigus importants, et la plupart ont été renvoyés à leur domicile au sein de la communauté. Dans l’ensemble, les données disponibles suggèrent que la majorité des aînés (65 ans et +) se rendant en salle des urgences sont atteints de maladie aiguë, présentent des taux élevés de morbidité, et sont plus souvent hospitalisés (Voir Annexe B – Données ICIS Tabulées).
Bien que les aînés au DU soient un groupe hétérogène, les données factuelles montrent qu’ils présentent davantage de besoins de santé chroniques en relation avec leur vieillissement. Les maladies cardiovasculaires, l’hypertension et les accidents vasculaires cérébraux, les maladies respiratoires, le diabète, les problèmes digestifs, et l’arthrite font partie des pathologies cliniques les plus courantes (11, 16, 17). En 1996, 82% de l’ensemble des aînés vivant à la maison présentaient une pathologie chronique et 28% étaient limités dans au moins certaines activités en raison de leur pathologie chronique (17). De plus, 25% de l’ensemble des aînés vivant à la maison et 45% des aînés de plus de 85 ans souffraient d’une invalidité de longue durée (17, 18). Jusqu’à 67% des coûts directs de santé en Colombie-Britannique, Canada, sont imputables à ces pathologies chroniques (19).
La tendance des maladies chroniques à s’accumuler avec l’âge entraîne une détérioration fonctionnelle et une invalidité accrue, ainsi qu’une dépendance (3). Les données factuelles indiquent que la réponse aux besoins des aînés exige des services de santé, de réadaptation et sociaux communautaires à la fois coordonnés, complets et intégrés (7, 9).

Les prédicteurs des consultations DU chez les aînés sont principalement apparentés au besoin et comprennent les diagnostics médicaux, la capacité cognitive, la capacité fonctionnelle, le nombre de médicaments et les problèmes co- morbides, et les consultations antérieures du DU ou un séjour d’une nuit à l’hôpital (5, 20-24). Outre le besoin, les problèmes d’accès aux et de continuité des soins primaires contribuent à un usage accru du DU (5). Parmi les évènements indésirables potentiellement évitables suivant une consultation au DU au sein de cette population figurent déclin fonctionnel, nouvelles consultations du DU, hospitalisation, admission en maison de santé, et décès (25).

Les essais contrôlés conduits dans plusieurs pays – Canada (26), Etats-Unis (27), Royaume-Uni (28), Australie (29) – ont indiqué que certains évènements indésirables pouvaient être évités ou améliorés au moyen d’interventions gériatriques au DU (ex. liaison par l’infirmière et planification de la sortie de l’hôpital). Toutefois, la mesure dans laquelle ces approches sont adoptées par les hôpitaux et leurs conséquences sur la sécurité des patients ne sont pas bien comprises. De plus, les facteurs contextuels pouvant avoir un impact sur ces résultats (hôpital et communauté) exigent des investigations complémentaires. Parmi les éléments spécifiques de l’organisation des hôpitaux à étudier figurent : disponibilité et déploiement des ressources ; liaisons et communication entre le DU et les médecins communautaires et services de soins à domicile.

D’autres expérimentations ont été conduites pour réduire la fréquence des hospitalisations de patients, les consultations à répétition, et les consultations inappropriées au DU. Les expérimentations se sont échelonnées d’équipes pluridisciplinaires basées au DU à des modèles consultatifs intégrant des processus de recherche de cas et d’orientation avec le déploiement communautaire de ressources (30- 36). L’Annexe C contient une liste des expérimentations pertinentes ; les différences de méthodologie d’étude, de type d’expérimentation et de populations cibles ont produit des résultats variables.

L’environnement DU très chargé, souvent intense, encourage une focalisation sur le traitement rapide des patients et les suites à donner. Une incapacité à assimiler les caractéristiques particulières d’une population vieillissante peut contribuer à une sortie prématurée de l’hôpital et des taux accrus de nouvelles consultatio ns et autres résultats cliniques défavorables ayant un impact sur la sécurité des patients. Les facteurs compromettant la sécurité revêtent une importance primordiale pour le DU et les soins des patients plus âgés, qui sont particulièrement vulnérables en raison de leurs taux supérieurs de co- morbidité, de troubles physiques et cognitifs, et de polypharmacie. Une orientation de politique est nécessaire pour focaliser les efforts afin : (a) d’améliorer la réponse du DU à la population vieillissante aussi bien au niveau hospitalier que communautaire, et (b) de déterminer l’efficacité des innovations au niveau des services de soins à domicile, des types et de la disponibilité des services de soins primaires, et de l’intégration des services entre le DU hospitalier et le domicile.

[...]

CONCLUSION
Une consultation du DU par un aîné est un évènement sentinelle souvent associé à de nouveaux besoins de traitement et /ou services. La gestion appropriée de cet évènement peut avoir des répercussions importantes sur la sécurité à long terme, la morbidité, et l’utilisation continue. Une attention focalisée et des efforts coordonnés sont requis pour faire progresser les soins cliniques et les services de santé organisationnels.
Ce rapport a regroupé les données probantes de pratiques d’excellence présentées lors de la table ronde et de la séance de réflexion au cours du Programme Gériatrique du Congrès CIIU 2005, et a formulé les recommandations émanant de ces deux activités. La synthèse de ces informations pourrait éventuellement aider les chercheurs, les administrateurs, et les cliniciens à déterminer les orientations futures dans le but d’améliorer la prestation des soins et services d’urgence.

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