27 mars 2011

Rue Frontenac - La plasticité du cerveau pourrait retarder la maladie d'Alzheimer

Les aînés à risque de contracter la maladie d’Alzheimer pourraient retarder de plusieurs années l’apparition des premiers symptômes de dégénérescence grâce à des exercices de mémoire exploitant la plasticité du cerveau.
Des chercheurs montréalais ont réussi à démontrer pour la toute première fois que contrairement à ce que les scientifiques pensaient, le cerveau garde sa plasticité en vieillissant, et ce, même s’il est endommagé par la maladie.
«Ce que montre notre étude, c’est que les fonctions cérébrales de personnes atteintes de troubles cognitifs légers peuvent se réorganiser dans des régions sans lésion et sans lien à l’origine avec la mémoire grâce à un simple programme d’entraînement de la mémoire», explique la neuropsychologue Sylvie Belleville, auteure principale de l’étude et directrice de la recherche à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.
Un nouvel espoir pour les aînés qui risquent d'être confrontés à la maladie d'Alzheimer. Photo d'archives

Perte de poids cérébral
Le cerveau humain perd de 5 à 10 % de son poids entre l’âge de 20 et de 90 ans. L’un des mécanismes compensatoires pour pallier cette perte est la plasticité du cerveau. Il s’agit ici d’une réorganisation au cours de laquelle les connexions nerveuses se créent ou se redéfinissent en fonction d’expériences vécues.
Trente personnes âgées en moyenne de 70 ans ont participé à cette étude clinique publiée dans l’édition en ligne de la revue Brain. Quinze d’entre elles étaient en bonne santé, alors que les 15 autres présentaient des troubles cognitifs légers (TCL) tels que de légers oublis ou problèmes d’orientation. Les personnes qui présentent ces troubles sont dix fois plus à risque de contracter la maladie d’Alzheimer que la population en général.
L’activité cérébrale de ces deux groupes a été analysée grâce à l'imagerie par résonance magnétique (IRM) à trois moments précis : six semaines avant, une semaine avant et une semaine après le suivi d’un programme d’entraînement de leur mémoire.
Ce programme consistait en une série de six rencontres réparties sur autant de semaines. Il a été conçu de manière à aider les personnes âgées aux prises avec des TCL à développer des stratégies et des techniques de mnémotechnique (i.e. la mémorisation par association d'idées) pour augmenter l’encodage et la récupération des informations à retenir (p. ex. des listes de mots) par l’entremise d’autres régions du cerveau.
Les résultats de l’IRM des aînés en santé et ceux présentant des TCL avant le programme d’entraînement montrent sans surprise une activité cérébrale moindre chez ces derniers dans les régions pariétale et frontale du cerveau, traditionnellement associées à la mémoire.
Après six semaines d’entraînement, les résultats sont tout autres. Non seulement les chercheurs ont noté une plus grande activité cérébrale dans ces régions, ils ont également observé une grande activité dans les régions normalement reliées au langage, à la reconnaissance spatiale et aux capacités d’apprentissage.
«Ces régions cérébrales saines ont donc pris la relève de la zone malade», indique Mme Belleville, précisant que cette «relève» pourrait durer tant que ces régions sont à l’abri des lésions dégénératives.
«Nous avons non seulement observé cette réorganisation par IRM, nous avons aussi noté une augmentation de 33 % des bonnes réponses à une tâche de mémoire après le programme d’entraînement chez les personnes aux prises avec des TCL», poursuit-elle.
Nouveaux horizons
Fait à noter, les présentes observations résultent d’un programme d’entraînement bien spécifique réalisé en milieu contrôlé. Rien n’indique donc que de simples exercices maison ou les logiciels vendus en magasin pour leur soi-disant bienfait mental auraient les mêmes effets, précise la neuropsychologue, qui enseigne au département de psychologie de l’Université de Montréal.
Cette découverte ouvre de nouveaux horizons de recherche sur la possibilité d’augmenter la plasticité des régions concernées.
«Les chercheurs mettent l’accent sur les mécanismes atteints par la maladie d’Alzheimer. Je crois qu’il serait important de mettre aussi des efforts sur la plasticité du cerveau pour mieux comprendre les mécanismes compensatoires comme celui observé dans notre étude», croit Mme Belleville.

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