19 octobre 2010

Combattre la maltraitance chez les aînés - André Nadeau - Opinion - L'Action

La semaine dernière, la journaliste Geneviève Blais présentait dans L'Action une série d'articles sur le suicide chez les personnes âgées, un phénomène croissant et préoccupant qui s'inscrit parfois dans la maltraitance dont sont victimes des dizaines de milliers d'aînés à travers le Québec.

Ce sujet demeure encore aujourd'hui un tabou. Il y a quelques années à peine, des sujets comme l'inceste ou les agressions sexuelles commises par des prêtres étaient aussi tabou. Les victimes craignaient de dénoncer les agresseurs de peur d'être jugées. Certains ont osé briser la loi du silence et ont ainsi ouvert la voie à la guérison. Par leur exemple, ils ont aussi permis à d'autres d'emprunter le même chemin et de se libérer d'un lourd secret à leur tour.
Les aînés sont encore aujourd'hui peu nombreux à dénoncer les agressions dont ils sont victimes. Fragiles et souvent dépendants, ils craignent pour bon nombre, d'être l'objet de représailles s'ils osaient porter plainte. Dans d'autres cas, ils hésiteront longuement à dénoncer les gestes d'un proche parent, de peur de ternir la réputation de la famille ou de se voir privés de soins.
Lorsqu'il est question de maltraitance, on ne doit pas s'attarder uniquement aux châtiments physiques. Ça existe, mais la majorité des cas de maltraitance sont d'une autre nature.
Ainsi, lorsqu'on décide de vendre à son profit l'automobile d'une personne âgée en se disant que de toute façon, elle n'en aura plus besoin, c'est non seulement de la maltraitance, c'est du vol. Certains n'hésiteront pas à profiter financièrement d'un aîné, soulageant leur conscience en se disant que « ça compense » pour les soins qu'on lui apporte. Les emprunts non remboursés, les chèques en blanc pour les commissions, le vol de chèques de pension, l'utilisation frauduleuse d'une procuration, voilà autant de cas de maltraitance qui passent souvent sous les écrans radars des statistiques.
La négligence est également une forme répandue de maltraitance. Des vieillards mal nourris, laissés à eux-mêmes dans des conditions sanitaires défaillantes ou privés de soins médicaux, ça existe au Québec en 2010.
On estime que de 10 % à 15 % des personnes âgées auraient été victimes d'abus, plus souvent les femmes. Au Québec, 60 % des abus sont d'ordre financier et 80 % des fraudes commises par téléphone visent des gens de plus de 60 ans. Autre statistique : 75 % des aînés maltraités connaissent leur agresseur et pour le tiers, il s'agit d'un parent.
Le gouvernement du Québec vient d'annoncer un plan d'action pour combattre les mauvais traitements dont sont victimes les personnes âgées. On y consacrera environ cinq millions de dollars par année. C'est un progrès, mais ce sera largement insuffisant. Ce n'est tout de même pas avec une campagne de publicité, un site Internet et une ligne téléphonique qu'on en viendra à changer des comportements. Il faudra bien davantage, à commencer par la cour du gouvernement, lui aussi responsable de maltraitance envers la clientèle qu'il prétend protéger.
Dans certains centres d'accueil, on oblige des vieillards à porter une culotte d'aisance parce qu'on n'a pas le personnel pour lui permettre d'aller aux toilettes. Le protecteur du citoyen rapporte le cas d'un centre où les aînés sont réveillés à 5h30 pour les soins d'assistance personnelle et où on consacre 30 minutes aux repas afin de convenir aux horaires des employés. C'en est de la maltraitance.
Quand on laisse des aînés dans leur chambre toute la journée sans aucune stimulation, c'est aussi de la maltraitance. Que dire de certaines résidences pour personnes âgées où les hot-dogs et croquettes de poulet trônent au sommet des menus ?
Avec 20 % des résidences privées qui ne sont pas encore certifiées, le gouvernement a encore du travail à faire avant d'être donné en exemple.
Il ne mérite pas une étoile non plus avec les services de maintien à domicile qui sont notoirement déficients. Ils sont pourtant censés permettre de soulager les services de santé de première ligne. Or, on y accède au compte-gouttes ou on végète sur une liste d'attente, et ce, quand l'établissement ne recourt pas systématiquement au chèque emploi-service.
Il y a des gestes et des paroles qui blessent davantage que de se faire frapper.
André Nadeau

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